Le circuit du médicament

Publié le par Juriste droit médical

Avant de se retrouver derrière le comptoir d'une pharmacie, un médicament passe par différentes phases de la découverte de la molécule à la fixation de son prix par les autorités publiques. L’accès au marché du médicament est donc un processus complexe, qui peut durer plus de dix ans, et qui est soumis à différentes contraintes tant techniques qu’ administratives.

C’est également un processus coûteux puisque, selon le LEEM (Les Entreprises du Médicament), la mise au point d’une nouvelle molécule représente un investissement d’environ 800 millions d’euros.

La phase de recherche et développement : 

1) La recherche exploratoire :

 La recherche exploratoire est la phase qui précède le dépôt du brevet. Elle a pour but  d’identifier les molécules qui feront l’objet d’un dépôt de brevet, et se décompose en  deux étapes : 

 En premier lieu, la recherche  fondamentale tente de comprendre les mécanismes de la maladie pour déterminer la cible du médicament, généralement un récepteur ou une enzyme dont on veut augmenter ou supprimer l’activité. 

Par la suite, les chercheurs peuvent tester des dizaines de milliers de molécules grâce à des « robots de criblage » avant d’en retenir une centaine éventuellement efficaces. 

Une fois découvertes les molécules potentiellement efficaces, un brevet sera déposé afin de protéger l’innovation liée à ces molécules pendant 20 ans, et 5 ans de plus si un certificat complémentaire  de protection est accordé à l’expiration du délai initial.

 

2) Les études pré-cliniques :

Les molécules identifiées vont être testées de différentes manières avant tout essai sur l’homme : c’est la phase des études pré-cliniques, qui comporte : 

• La pharmacologie expérimentale : des essais d’efficacité sont réalisés sur des systèmes moléculaires inertes, sur des cellules et des cultures et, enfin, sur l’animal. Le nouveau produit est identifié. 

• La toxicologie :  ces études évaluent les risques d’effets secondaires des futurs médicaments. 

• La pharmacocinétique et le métabolisme du médicament :  ces études portent sur des propriétés pharmaceutiques de la molécule telles que l’absorption, le métabolisme, la distribution, l’élimination. Mais elles permettent aussi de prouver les propriétés pharmacologiques.

 

3) La recherche clinique :

Seul un médicament sur 15 candidats atteindra ce stade. Ces études se font selon trois phases principales, qui doivent se dérouler selon les bonnes pratiques cliniques. Elles sont réalisées en milieu hospitalier ou en cabinet médical et ceci sous la responsabilité de médecins experts : les investigateurs. 

• Phase 1 : tolérance ou innocuité 

Des quantités croissantes  de la nouvelle molécule  sont administrées à des volontaires sains, sous surveillance étroite. Cette phase permet d’évaluer les grandes lignes du profil de tolérance du produit et de son activité pharmacologique. 

• Phase 2 : efficacité du produit sur de petites populations et recherche de dose 

Cette phase se déroule chez un petit nombre de patients hospitalisés. Il s’agit ici de définir la dose optimale, c’est-à-dire celle pour laquelle l’effet thérapeutique est le meilleur pour le moins d’effets secondaires. 

• Phase 3 : études « pivots » 

Dans les conditions aussi proches que  possible des conditions habituelles d’utilisation des traitements, l’efficacité et la sécurité sont étudiées de façon comparative au traitement de référence ou  à un placebo. Ceci est vérifié sur un grand groupe de malades.  Cette phase peut couvrir plusieurs centaines à plusieurs milliers de patients. 

Une fois la phase de recherche clinique effectuée, le médicament est prêt pour accéder au marché. Cependant, cet accès est fortement régulé en France, et il faut donc passer par une phase administrative avant que le médicament ne se retrouve en pharmacie.

 

La phase administrative

 

La phase administrative résulte de la  forte réglementation qui entoure la commercialisation du médicament (il faut noter que ne seront ici abordées que les procédures administratives concernant les médicaments de ville remboursables, qui sont différentes pour l’automédication (où les prix sont libres)). Concernant les médicaments 

utilisés à l’hôpital, certains sont soumis à la régulation des prix (médicaments rétrocédés ou hors T2A) alors que 

d’autres ont un prix libre (médicament inclus dans un GHS). De l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) à la publication du prix au Journal Officiel (JO), le parcours administratif du médicament peut durer jusqu’à 3 ans. 

Ce « circuit administratif » du médicament débute avec l’obtention de l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Un médicament ne pourra pas être commercialisé en France sans avoir obtenu cette AMM, qui évalue le rapport bénéfice/risques du médicament. 

Il existe trois voies pour l’obtention de l’AMM : 

• La  procédure nationale : le dossier est déposé à l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des  Produits de Santé (AFSSAPS) qui statue sur l’AMM après avis de la Commission d’AMM ; 

• La procédure de reconnaissance mutuelle au niveau européen : un Etat membre octroie une AMM selon les règles qui lui sont propres, et d’autres Etats reconnaissent ensuite cette AMM sur leur territoire ; 

• La  procédure centralisée à l’échelon européen : le dossier est déposé à l’Agence Européenne du Médicament  (European Medicines Agency, EMEA) qui statue après avis du Comité des Spécialités Pharmaceutiques (CSP). 

L’AMM accordée est ensuite valable dans tous les pays de l’Union Européenne. 

 

 

Une fois l’AMM obtenue, le médicament doit être évalué par la Commission de la Transparence (CT) afin qu’elle détermine son Service Médical Rendu (SMR) et son Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR).  

 La CT est une des commissions spécialisées de la Haute Autorité de Santé (HAS), son président est membre du collège de la HAS.  

Elle a donc pour mission de fournir un avis sur l’intérêt d’un médicament à deux niveaux : 

 

 

- De façon objective, c'est-à-dire en évaluant le Service Médical Rendu (SMR) du médicament. Cette appréciation prend en compte notamment l’efficacité et les effets indésirables du médicament, la gravité de l’affection auquel il est destiné, son intérêt pour la santé publique. Elle comprend 4 niveaux : le SMR peut ainsi être majeur ou important, modéré, faible ou insuffisant pour justifier une prise en charge ;  

- De façon comparative en évaluant l’Amélioration du Service Médical Rendu 

(ASMR)  du médicament par rapport à d’autres médicaments de la même classe thérapeutique. L’ASMR comprend quant à elle 5 niveaux : 

l’amélioration peut être majeure (ASMR I), importante (ASMR II), modeste 

(ASMR III), mineure (ASMR IV) ou encore inexistante (ASMR V).

 

 

Ces deux indicateurs vont servir d’appui pour les trois étapes qui suivent l’avis de la 

Commission de la Transparence : 

• L’inscription du médicament sur la liste des spécialités remboursables se fera en fonction du SMR octroyé par la CT. Si le SMR est insuffisant, le médicament ne rentrera pas dans le « panier de soins » remboursable par l’assurance maladie. La décision d’inscrire un médicament sur la liste des spécialités remboursables est prise par arrêté des ministres en charge de la Santé et de la Sécurité Sociale ; 

• Le taux de remboursement du médicament est fixé par l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM) également en fonction du SMR attribué par la CT ; 

• Le prix du médicament est fixé par le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS), qui regroupe des représentants de l’Etat, de l’UNCAM, de l’Union Nationale des Organismes de  Complémentaires (UNOCAM). La fixation du prix se fait de manière négociée avec les laboratoires pharmaceutiques, sur la base de l’ASMR et de la population cible, évalués par la CT ainsi que du prix des autres  médicaments existants à même visée thérapeutique. 

 Une fois que ces trois étapes ont été franchies, l’arrêté d’inscription sur la liste des soins remboursables et les avis de fixation du taux de remboursement et du prix sont publiés concomitamment au Journal Officiel (JO). Le médicament peut alors être commercialisé et remboursé par l’Assurance Maladie (Une fois l’AMM obtenue, le médicament peut être commercialisé, mais il n’est pas remboursé par l’assurance 

maladie tant que les trois étapes de l’inscription, de la fixation du taux de remboursement et du prix ne sont pas finalisées).

 

Après la commercialisation

 

 

Une fois passées toutes les étapes de la phase administrative, le médicament est commercialisé en pharmacie. Cependant, des procédures rigoureuses de pharmacovigilance accompagnent le médicament durant toute son existence. Ce suivi permet d’assurer la sécurité des patients dans l’utilisation réelle du médicament. 

 En effet, tout accident de santé lié à la prise d’un médicament est signalé dans un délai obligatoire  aux instances réglementaires. Les entreprises remettent également un rapport sur le suivi du médicament tous les 6 mois pendant les deux premières années de la vie du médicament, puis tous les ans pendant les 3 années suivantes, et enfin, tous les 5 ans tant que le médicament est commercialisé.  

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